Rhodanie : une histoire d’eau au long cours
Commençons par présenter Bertrand qui, je ne vous cache pas, est à la fois un ami et un collègue de travail !
Après son diplôme à l’école nationale supérieure de la photographie d’Arles, Bertrand Stofleth est devenu photographe à Lyon. Nous avons eu le plaisir de travailler plusieurs fois ensemble sur des projets de photographies de l’Inventaire Régional du Patrimoine en Région Rhône-Alpes.
Son projet photographique, nommé « Rhodanie », a débuté en 2007 pour s’achever en 2014. Une démarche longue et posée avec pour un fil conducteur le Rhône.
On imagine déjà l’ampleur de la chose quand on sait qu’il a parcouru celui-ci de sa source du Valais en Suisse, jusqu’à ses embouchures en France dans la Méditerranée, soit 850 kilomètres.
Matériel – Technique
Bertrand a réalisé l’ensemble de son projet avec 2 types de matériels :
– Tout d’abord il a commencé à la chambre grand format argentique (modèle 4X5 inches, soit des négatifs de 10 X 12,5 cm).
Pour ceux qui ne savent pas ce que c’est : une chambre à soufflet est un appareil photographique avec lequel on cadre à l’aide d’un voile occultant, comme vous pouvez voir sur le très bon site Taos photographic (une référence en vente de chambre grand format)
La vision au moment de la prise de vue est inversée car il n’y a ni miroir ni prisme : on voit donc l’image en direct sur un dépoli, et on cadre en visualisant l’image retournée haut-bas et gauche-droite.
Il a utilisé 2 marques différentes : une Chamonix et une Sinar
Au niveau des optiques, il est resté sur 2 objectifs Schneider : un 150mm et un 120mm xl (soit une objectif à angle de vision humaine et un léger grand angle). Sur un reflex 24X36mm cela correspondrait grosso modo à un 50 et un 35-40mm.
Attention, une chambre n’est pas seulement un vieil ancêtre de l’appareil reflex, car contrairement à ce que peux imaginer le grand public, on l’utilisait encore beaucoup il y a peu. J’ai moi même commencé ma carrière en utilisant exclusivement ce type de matériel sur des images de patrimoine. Encore aujourd’hui, de fidèles irréductibles continuent à travailler à la chambre (essentiellement pour des projets personnels), car même si le numérique n’a fait qu’évoluer, encore aujourd’hui cela reste le rendu le plus fin et modelé de la photographie contemporaine.
– Puis il a continué son projet avec des dos moyen-format numériques Hasselbad CFV39 puis CVF 50 (respectivement 39 puis 50 millions de pixels) montés sur un boitier Hasselblad 503CW (une légende).
Au niveau objectif, même type de focales (qui correspond à la taille des capteurs moyen format) : un 50mm et un 80mm.
Preuve en est, car c’est aussi mon discours, que l’on peut suivre un travail au long terme en passant d’argentique à numérique, sans en voir la transition. J’ai souvenir de mon exposition sur la Birmanie en 2011 où la plupart des gens n’ont même pas vu qu’il y avait 2 supports différents. L’important étant bien la démarche, le point de vue, et la qualité voulue.
Pour ses images, que vous remarquerez en hauteur, comme prise d’un belvédère, Bertrand s’est servi d’une nacelle.
Voici le type d’engin…je vous laisse imaginer la mise en place .
Le but de la démarche : avoir une vision très en volume, permettant de bien voir tous les espaces du paysages, en y intégrant l’homme, tout en étant une représentation proche de la peinture dans le but d’accentuer le côté théâtrale de la scène. Il l’utilise pour la plupart du temps à 4 ou 5 mètres du sol.
« Cette hauteur de vue permet d’inscrire l’homme dans sa réalité de territoire, d’étager les plans, d’organiser la représentation, de rendre sa consistance à l’espace. C’est comme si depuis un balcon d’un théâtre à l’italienne, on avait devant soi une scène où l’on peut lire l’ensemble de l’espace tout en faisant encore partie du territoire. »
Démarche
Rhodanie est un spectacle documentaire, au fil du fleuve, où l’on peut voir la mise en scène d’un espace modulé par l’homme. C’est bien sûr un thème d’actualité, puisque la représentation de l’homme et ses implications dans l’environnement sont incontournables.
Les espaces, qu’on attend si naturels, se retrouvent parfois représentés modifiés, avec une pincée d’ironie très plaisante.
La présence de l’homme est quasi burlesque, tant la mise en scène est un superbe clin d’oeil aux photographes du genre tel que Martin Parr.
Au final, c’est un mélange subtil de nombreux éléments contraires : béton et paysages, vacanciers au pied de centrale nucléaire, des autoroutes surplombant des lieux de vacances, jusqu’au bateau rempli de touristes photographiant les derniers taureaux de Camargues accompagné du gardian local.
Rhodanie : Livre et expositions
Vous pouvez visiter l’exposition Rhodanie de Bertrand Stofleth à la galerie Le bleu du ciel à Lyon jusqu’au 16 janvier 2016.
12, rue des fantasques
69001 Lyon
ouvert du mercredi au samedi, de 14h30 à 19h00 – Entrée Libre
Puis l’exposition prendra place au Centre de la photographie de Genève du 11 février au 29 mai 2016.
28, rue des Bains, CH – 1205 Genève
Du mardi au dimanche, de 11h à 18h
Vous pouvez aussi retrouver ce travail dans le livre « Rhodanie », aux Éditions Actes Sud, paru en octobre 2015 (format 24,5 x 32,5 cm – 160 pages – 90 illustrations) au prix de 29 euros, une belle idée cadeau pur Noël !
Et pour finir : le site de l’auteur
J’espère que cet article vous a plu, et surtout n’hésitez pas à commenter et/ou questionner 😉